Sciences et religion, deux domaines séparés ?

Scientifique de renommée internationale, auteur de plus d'une centaine d'articles dans des revues spécialisées, Hubert Reeves a surtout une très grande facilité à rendre accessible au plus grand nombre la complexité de l'univers et son fonctionnement.

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La relation entre science et religion, généralement conflictuelle, est un sujet abordé depuis l'Antiquité et dans le cadre de nombreux champs d'investigation ou de recherche dont la philosophie des sciences, la théologie, l'histoire des sciences et l'histoire de la religion.

L'astrophysicien Hubert Reeves souligne que même si « on a longtemps pensé que la science allait chasser la fonction religieuse, c'était une erreur. » À ce sujet, deux conceptions s'opposent :

1. Science et religion n'abordent pas les mêmes questions : La science décrit les phénomènes, les mécanismes, les principes auxquels nous sommes soumis, en un mot le « comment » de l'existence. Cependant, les limites de la science actuelle sont bien réelles, comme le met en évidence Pierre Karli de l'Académie des Sciences : « notre soif de signification et d'espérance n'est pas prise en compte par la science car on ne sait pas l'introduire dans les équations ! ». En revanche, tout comme la philosophie et l'art de leur côté, la foi s'intéresse aux questions existentielles concernant le sens de la vie, la présence de l'au-delà, l'existence de Dieu, la relation des Hommes avec Lui, et s'oriente donc sur le « pourquoi » de l'existence.
   
2. L'autre thèse est celle de la continuité des connaissances^[5].
   

En France, un sondage CSA de 1994^[6] demandait à un échantillon de français s'il leur semblait possible de croire en Dieu dans un monde dominé par la science :

49% ont répondu : " plus les connaissances scientifiques progressent, plus il est difficile de croire en Dieu. "

• 32% estimaient que : " croire en Dieu n'est plus nécessaire à notre époque ".
  
• 61% considèraient l'existence de Dieu comme certaine ou probable.
  
• Si les personnes enquêtées sont des scientifiques, les résultats sont un peu différents^[7] :
  
  La moitié des chercheurs du CNRS déclarent aujourd'hui avoir la foi ou quelque chose qui s'en approche.
  
• 70% d'entre eux s'accordent à penser que la science ne peut à ce jour exclure ou réhabiliter l'idée de Dieu.
  

Citations

Jean-Paul II « La foi et la raison sont comme deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la comtemplation de la vérité. » (Fides et ratio, 14 septembre 1998)

Albert Einstein « Ce que vous avez lu sur mes convictions religieuses était un mensonge, bien sûr, un mensonge qui est répété systématiquement. Je ne crois pas en un Dieu personnel et je n'ai jamais dit le contraire de cela, je l'ai plutôt exprimé clairement. S'il y a quelque chose en moi que l'on puisse appeler "religieux" ce serait alors mon admiration sans bornes pour les structures de l'univers pour autant que notre science puisse le révéler. » Dans Le côté humain, Ed.Helen Dukas et Banesh Hoffman, lettre du 24 mars 1954.

Martin Luther King « Il peut y avoir conflit entre hommes de religion à l'esprit fragile et hommes de science à l'esprit ferme, mais non point entre science et religion. Leurs mondes respectifs sont distincts et leurs méthodes différentes. La science recherche, la religion interprète. La science donne à l'homme une connaissance qui est puissance ; la religion donne à l'homme une sagesse qui est contrôle. La science s'occupe des faits, la religion s'occupe des valeurs. Ce ne sont pas deux rivales. Elles sont complémentaires. La science empêche la religion de sombrer dans l'irrationalisme impotent et l'obscurantisme paralysant. La religion retient la science de s'embourber dans le matérialisme suranné et le nihilisme moral ».

Les scientifiques et les croyants ne sont pas obligés de choisir. Ils peuvent très aisément les cultiver l'une et l'autre. De quelle manière ?
Tout dépend de la façon dont on envisage et la science et la religion. Pour certains, le choix ne se pose pas car il suffit de toujours bien se rappeler qu'elles poursuivent des buts différents.

Pour certains, la science et la religion permettent d'obtenir des réponses complémentaires sur les origines et le fonctionnement d'un phénomène naturel. Photo © NASA

La science des mécanismes

La voilà l'essence même du conflit science-religion. La science est la connaissance pratique construite sur des principes évidents, démontrables ou expérimentables. Quels que soient les domaines d'application, les méthodes employées pour obtenir le savoir restent les mêmes. La science n'est donc ni arbitraire, ni subjective. Par ailleurs les hypothèses scientifiques ne constituent en rien des vérités absolues. La science répond à des questions de type "Comment...?". Comment l'Univers évolue-t-il ? Comment est constituée une cellule etc… Elle cherche à démontrer les mécanismes de fonctionnement de l'Univers, de la vie, de tous faits naturels et physiques.

La religion des causes

La religion prétend répondre aux questions que la science ne peut pas aborder, soit parce que les résultats ne sont pas observables, soit parce qu'ils ne peuvent pas être soumis à l'expérimentation. Cela revient à dire que la religion peut résoudre les questions de type "Pourquoi… ?". Elle recherche les causes des grands phénomènes physiques et naturels, et y répond par des vérités absolues sorties des écritures saintes ou d'une révélation divine. Elle revendique l'apport de la connaissance absolue mais aussi une certaine facilité pour l'Homme, avide de réponses.

Qui en pense quoi ?

Nombreux sont les scientifiques croyants qui font bien la part des choses, à la manière de Newton. Athées et agnostiques sont également "satisfaits" par cette division, plus particulièrement par la première partie. En effet, pour eux la quête de la vérité absolue est totalement vaine et ils ne croient pas en l'existence d'une puissance transcendantale. Restent donc les créationnistes pour qui la science est totalement conditionnée par les écrits religieux.

La doctrine définit différents terrains ou ordres de connaissance. Ainsi, pour certains, la science ne rend compte que des faits alors que la religion offre une toute autre réalité, une réalité totale.

La science insuffisante ?
Pour les croyants, la science est bien trop restrictive car elle n'apporte aucune connaissance sur ce qui est souvent donné comme la spécificité de l'être humain à savoir ce qui relève de la sensation, du désir et des valeurs.
La religion propose alors d'y répondre, d'une manière très subjective : en utilisant notre expérience personnelle. Explorer le monde de la conscience. Cela ne peut se faire que de manière introspective et intuitive, mais comment relier une telle expérience au monde objectif de la science ? Impossible… pour l'instant seulement diront les scientifiques non croyants.
Quoi qu'il en soit, si cet exemple démontre bien que la science est incomplète (et elle ne prétend pas le contraire), elle ne donne aucun crédit de vérité aux explications religieuses. On ne répond aux questions subjectives qu'avec un lot d'expériences personnelles tout aussi subjectives, ou des récits sacrés. Alors voilà, au final nous devons faire un choix entre pas d'explication du tout, ou une explication peu satisfaisante ? L'Homme déteste rester sans réponse, perplexe et c'est pourquoi aussi la religion peut combler ces vides, les vides de la science.

Le point de vue d'un paléontologue agnostique :
S. J. Gould (1941-2002) est un paléontologue agnostique, il pense donc que la vérité absolue est inaccessible à l'intelligence humaine. Il se bat contre les créationnistes pour imposer les théories évolutionnistes scientifiquement viables à ses yeux. Pour lui, la science et la religion ne peuvent pas rentrer en conflit car elles concernent toutes deux des domaines d'application trop différents : les jugements de fait et les jugements de valeur. Si cette façon de concevoir le débat semble, a priori, arranger (presque) tout le monde, elle pose un sérieux problème, et d'abord aux croyants.

Comment, si la science et la religion sont si indépendantes, justifier les jugements de valeur et quel crédit leur accorder ? La question reste ouverte.

Pour beaucoup, la science et la religion n'occupent pas les mêmes terrains, pour d'autres elles sont des étapes de pensée. Ainsi, la pensée scientifique précède la pensée religieuse.

Attracteur étrange de Lorentz. La théorie du chaos laisse la science perplexe et sans réponse, c'est pourquoi pour certains elle est une preuve de l'existence d'une transcendance. Photo © DR

Limites de la science et au-delà

L'idée est simple : la science bien comprise mène à la religion. C'est ce que l'on appelle le concordisme. Cette théorie de convergence est très ancienne et est de plus en plus soutenue à l'heure actuelle. Pour ses partisans, les découvertes scientifiques sont un bon tremplin pour la foi. Ainsi, la mécanique quantique, la théorie du Big Bang et le chaos mettent clairement la science face à ses propres et limites et suggèrent l'existence d'une puissance supérieure et surnaturelle. Cet argument est repris par les plus fervents qui nous rappellent leur "principe anthropique" stipulant que l'Univers a été créé dans le seul but que l'Homme puisse s'y épanouir. S'il avait été légèrement différent, l'Humanité aurait été impossible. C'est bien qu'il ya une finalité divine derrière tout cela.

La réponse des non croyants

Pour les scientifiques purs et durs, cette théorie est contestable, comme les autres. La science est limitée, certes, mais cela n'est que temporaire. Il faut se rappeler que d'autres faits naturels ont, dans le passé, été considérés comme des preuves de l'existence de Dieu. Aujourd'hui, ces phénomènes sont clairement expliqués scientifiquement. Patience donc. Pour eux, ce n'est pas le monde qui est divinement bien organisé mais l'homme qui est ignorant. Quand au "principe anthropique", ils le mettent à mal en parlant d'une possible vie extra-terrestre. Nous savons que notre galaxie est loin d'être la seule, si on découvre la vie ailleurs, allons-nous penser à un Dieu extra-terrestre ? Non bien sûr. Si le créateur est unique, l'Homme doit l'être aussi. La science nous le dira.

Un raisonnement inverse

Ce cheminement de pensée fait immédiatement écho au positivisme d'Auguste Comte, qui peut se poser en contraire absolu. Aujourd'hui pour certains, la science est la première étape du développement de la pensée spirituelle. Pour Comte, la première étape de la pensée scientifique est l'abandon des croyances en une force transcendantale.

En savoir plus L'homme qui portait une confiance absolue à la science

Il existe bien des manières pour concilier religion et science. A côté des scientifiques non croyants et des créationnistes, il y a ceux qui arrivent à les faire cohabiter paisiblement.

Le chanoine astrophysicien Georges Lemaître a fait la part des choses et a exploré pleinement les deux domaines. Photo © DR

Les clés de l'union réussie

Pour eux, il suffit de ne pas tout mélanger, de rendre à la science ce qui appartient à la science, même chose pour la religion. Cela revient donc à cloisonner les activités, mais il ne s'agit pas d'organiser sa pensée en étapes comme le font les créationnistes et les positivistes. D'un côté les faits, de l'autre les valeurs. Facile à dire mais en pratique comment cela se déroule ? Car si sur le papier la séparation semble nette, on n'oublie pas que les valeurs ont obligatoirement un impact sur l'existence, donc sur les faits. En cela, elles interagissent, non ?

Ces scientifiques qui ont fait un mariage heureux

On imagine souvent plus difficilement comment un paléontologue ou un astrophysicien peuvent aussi être des gens de foi. Constamment confrontés aux preuves matérielles de l'évolution ou de la vie de l'Univers, comment conservent-ils leur spiritualité ?»

Henri Breuil (1887-1961) : Surnommé le Pape de la préhistoire, cet abbé a beaucoup travaillé, entre autres, sur l'art préhistorique. Sa foi ne l'empêche pas de suivre des enseignements évolutionnistes durant ses années de formation. Préhistorien autodidacte, il a supposé l'ancienneté des peintures préhistoriques et par là-même reconnu l'existence d'une humanité bien plus ancienne que celle avancée par les écrits saints.»

Père Teilhard de Chardin (1881-1955) : Philosophe, théologien et préhistorien, le père Teilhard de Chardin est connu pour ne pas dissocier la science de la religion. Il est à la fois évolutionniste, matérialiste et spiritualiste. Effectivement, il croit en une évolution biologique de l'homme mais aussi en une évolution morale.»

Georges Lemaître (1894-1966) : Ce chanoine belge est aussi astrophysicien. Autant dire qu'il est pris entre deux idéologies qui se contredisent : la création divine et le Big Bang.

Est-il possible de faire de la science et de la religion deux entités dépendantes ?

Oui, et cette idée qui semble tout droit sortie du Moyen-âge s'appelle le créationnisme. Malgré l'apparition et le développement des théories évolutionnistes, cette idéologie connaît aujourd'hui un regain d'intérêt chez certains scientifiques.

Dieu est le créateur de l'Univers et cela se prouve scientifiquement dans les moindres détails selon les créationnistes. Photo © DR

Plus qu'une croyance, une doctrine

Ce courant de pensée n'est pas fondé sur la seule croyance que Dieu est le créateur de l'Univers. Au contraire il s'agit de réellement utiliser la science moderne pour détailler l'origine de la Terre, c'est-à-dire faire coïncider la cosmologie religieuse avec les données scientifiques. Cette doctrine est commune aux trois principales religions monothéistes : le Judaïsme, le Christianisme et le l'Islam. Toutes "rejettent" les théories évolutionnistes. D'ailleurs, le créationnisme chrétien s'est construit en réaction avec les thèses de Charles Darwin explicitées dans son fameux ouvrage De l'origine des espèces de 1859. Pour lui, les caractères biologiques des êtres vivants évoluent au cours du temps, ceci est impensable pour les créationnistes qui n'acceptent pas l'idée que Dieu crée des êtres "imparfaits". Darwin introduit aussi l'idée de la sélection naturelle induite par la lutte pour la survie, sur ce point là, les créationnistes s'insurgent car Dieu ne peut, selon eux, donner vie à des espèces inutiles et faibles.


Une doctrine bien vivante

Aujourd'hui, le créationnisme retrouve une sorte de seconde vie. On le pensait totalement désuet, pourtant il se diffuse de plus en plus à travers le monde, et notamment aux Etats-Unis et en Australie.
En France, le pays source des thèses évolutionnistes, il est très peu répandu. C'est pourquoi, chaque scientifique qui s'en réclame est toujours violemment dénoncé par ses pairs. C'est le cas de la paléontologue Anne Dambricourt-Malassé.

Elle a créé la polémique en exposant ses théories créationnistes dans un documentaire vidéo de Thomas Johnson : Homo sapiens - une nouvelle histoire de l'homme. De plus, elle est l'une des signataires de la pétition lancée par le Discovery Institute américain, considéré comme le fer de lance de la croisade créationniste aux Etats-Unis. Adhérant à ce groupe, elle avoue donc être "sceptique devant la prétention de rendre compte de la complexité de la vie par des mutations aléatoires et la sélection naturelle". Du même coup, elle affirme qu'une "investigation approfondie de la validité de la théorie darwinienne devrait être encouragée". Un exemple de créationnisme à la française.

Le créationnisme musulman est aussi bien vivant. Récemment, à la fin du mois de janvier 2007, il a défrayé la chronique en France et en Allemagne. Léger rappel des faits. Certains établissements scolaires et universitaires de ces deux pays se sont vus offrir un beau livre de 770 pages intitulé L'Atlas de la création. L'auteur, le Turc Harun Hahya, de son vrai nom Adndn Oktar, créationniste musulman, dénonce dans son ouvrage "l'imposture des évolutionnistes" et "leurs affirmations trompeuses". Comme quoi l'union religion-science ne fait pas leur force. L'ouvrage, à la demande du ministre de l'éducation nationale, n'a pas été diffusé aux élèves. Pourtant avec un titre si explicite, on ne pouvait pas s'attendre à moins.

A vrai dire, la science et la religion sont toutes deux en quête de vérité, les deux confrontées déchaînet les passions, et chacun y va de sa fougue ...

La limite de la vision humaine se cogne au mur de l'ignorance, en fait, l'énergie dépensée dans cette quête est à mes yeux le plus beau combat de l'humanité ...

Mais des choses me surprennent : en quoi le big bang métrait en question Dieu ?
Pourquoi se battre contre Dieu ?
La science ne contemple t'elle pas son oeuvre tout simplement ?

Je ne comprends pas les dangers que pourraient représenter une entité créatrice bienveillante .
Si on se concentrait sur cela ? (la quête de vérité )

Tout simplement, il n'y a pas besoin de bataille pour savoir qui a raison, il y a des idées, des chemins ...
Il n'y a pas besoin d'en imposer plus que d'autres, l'erreur est seulement là.

Ton topique va en ce sens , félicitation !