Comment sauver le monde ?
If you can’t change the world,
Change yourself.
If you can’t change the world,
Change yourself.
And if you can’t change yourself,
Change the world.The The, Dusk
Bon, malgré un titre un peu provoquant, ce texte est tout ce qu’il y a de plus sérieux, et je crois qu’il contient des idées simples mais extrêmement efficaces. Il constitue une réponse aux questions qui me poursuivaient sur ce que je dois faire de ma vie, et comment accepter que le monde puisse ne pas aller comme je le souhaiterais (et comme d’autres le souhaiteraient aussi).
Je dois beaucoup à un petit fascicule intitulé "Helping Humanity" de Sri Aurobindo acheté dans son ashram à Pondichéry pour tout ce qui est d’accepter notre pouvoir limité, et aux idées de Ivan Illich (que j’ai connu grâce à des ouvrages de Jean-Pierre Dupuy) pour tout ce qui est des solutions pratiques.
I) Ce qui est en notre pouvoirLe monde est tel qu’il est, par la volonté des hommes et de leur dieux. Qui sommes-nous pour prétendre le juger (bon ou mauvais) et pour vouloir tout changer à nous tous seuls ?
Non, d’autant que l’on peut se rendre compte que la magie du monde, la vie, l’humain, mais aussi le minéral, existent toujours, sous de multiples et imprévisibles formes. Le monde n’est va ni bien ni mal, il est, tout simplement.
A notre niveau, tout ce que nous avons à faire c’est jouer notre petit rôle pour lequel nous sommes ici, c’est essayer de rendre les choses et nous-mêmes un petit peu meilleurs. Notre action trouvera alors naturellement sa place et le rayon d’action qui lui est assigné. Pour être le plus efficaces et ne pas se laisser décourager (par le constat que nous ne pouvons changer le monde), il faut agir de manière désintéressée, en considérant notre action comme une fin en soi, sans faire dépendre notre bonheur/malheur des résultats à venir.
Mais attention, l’impossibilité de tout changer ne doit pas nous faire oublier que nous avons tous un petit rôle à jouer, pour rendre le monde un petit peu "meilleur", et que toute notre vie doit être consacrée à ça. Ceci paraît sévère, mais non, qui donc ferait quelque chose tout en gardant la certitude qu’il est en train de faire régresser le monde ? Et aussi, il faut se rendre compte que rendre le monde meilleur c’est pas forcément tout abandonner, aller au cinéma est parfois une manière de rendre le monde meilleur (car vous le serez aussi pour vos amis, pour les autres, etc). C’est juste une question de point de vue, de conscience personnelle et de bonne foi.
II) Les fausses pistesBeaucoup de gens ont proposé des manières de rendre le monde meilleur, mais il y a certaines approches que je n’aime pas, parce qu’elles ont prouvé leur inefficacité.
D’un côté, il y a les communistes et assimilés (j’ai discuté en particulier une fois avec des gens de LO, et c’est très naif et caricatural), qui disent qu’il existe un monde idéal et harmonieux, dans lequel les hommes vivront bien et auront un bon état d’esprit qui permettra le fonctionnement d’une telle société.
Ok, c’est très bien ça, mais comment parvenir à ce monde idéal ? Il faut faire une révolution et tout détruire, ensuite tout sera reconstruit et les hommes deviendront altruistes et honnêtes.
Supposons que ce soit vrai que les mentalités puissent changer naturellement après la révolution et que les hommes n’en profitent pas pour s’entretuer, il reste une question : que faut-il faire entretemps, tant que la révolution n’a pas lieu ? La réponse c’est RIEN !!!! Juste faire de la propagande et attendre la révolution, et entretemps vous souffrez, et rien n’avance !!
Ensuite, il y a tous ceux qui disent "il faudrait changer les mentalités, il faudrait que l’Etat fasse ceci, il faudrait que les riches partagent avec les pauvres, que les capitalistes n’exploitent plus les prolétaires, que la politique ne soit plus corrompue, etc." Le problème, c’est que ces gens-là ne se rendent pas compte que nous sommes tous les riches de quelqu’un, les capitalistes de quelqu’un (si vous avez accès à cette page web, vous êtes déjà des privilégiés comparés au reste de l’humanité).
Dire "les autres devraient…" conduit souvent malheureusement à oublier que nous, dans notre coin, pourrions déjà faire quelque chose, donner l’exemple, et que nous sommes la seule personne dont nous-même pouvons contrôler les actions. Pourquoi ne pas en profiter pour le faire ?
Enfin, il y a ceux qu’on appelle les "prophètes du malheur", ceux qui passent leur temps à essayer de montrer aux gens que le monde va mal, qu’ils sont exploités, qu’ils sont malheureux alors qu’ils ne s’en rendent pas compte. C’est utile car parfois ça fait avancer les choses, mais c’est un rôle ingrat, celui de convaincre les gens optimistes que les choses vont mal, et les gens ont en marre de ces prophètes. Là encore, c’est pas efficace et ça augmente le nombre de gens malheureux, même si en principe on le fait pour le bien de l’humanité.
(NB : les stratégies de ce type appuient généralement leur argumentation sur l’économie, la politique, et toutes les sciences qui prouvent que les choses ne vont pas : pour convaincre les gens que vous pouvez les rendre heureux, vous devrez d’abord les convaincre qu’ils ne le sont pas.)
Ah oui, il y a tous ceux qui pensent que le système dominant (consommation, etc) est très bien. Ces gens-là ont l’avantage de parler tout le temps de bonheur et d’optimisme, mais bon, on n’est pas dans le même camp (cf mon texte There is a war), et il ne faut surtout pas leur laisser le monopole de la rhétorique du bonheur.
III) Une approche efficace et incitativeLe problème des approches précédentes, c’est que ce sont des approches globales, elles peuvent marcher si tout le monde parvient à se mettre d’accord, le changement se fait en sacrifiant plein de gens, et souvent il ne se fait pas car la plupart des gens l’attendent sans rien faire.
Or, étant donné la petite place que nous occupons sur terre, il paraît plus naturel d’adopter une approche locale.
Si une personne seule pouvait se mettre à appliquer immédiatement des principes qui pourraient être appliqués par tous pour rendre le monde meilleur, et si cette personne en appliquant ces principes était plus heureuse que la moyenne des gens, alors ces autres gens pourraient eux aussi choisir d’appliquer ces principes.
C’est ainsi que de proche en proche, sans que personne ne souffre de ce changement (à part ceux qui se réjouissent du malheur des autres, mais bon c’est un bonheur pathologique qui disparaîtrait), par imitation et contagion ces principes se propagent. Remarquez que ceux qui adoptent cette stratégie ne se comporteront pas en prophètes du malheur, bien au contraire ils seront l’exemple vivant du fait qu’on peut être heureux tout en appliquant des principes sains.
Deux possibilités :
soit ceci marche, auquel cas c’est bien, on a sauvé le monde, soit ça ne marche pas, tout le monde n’adopte pas ces principes, c’est que la situation actuelle leur convient mieux. Dans ce cas, pas de problème. En appliquant à vous ces principes vous aurez déjà fait votre bonheur, et vous aurez contribué à faire celui de vos proches, qui le voulaient bien. Que vouloir de plus ?
On voit ici, que toute cette stratégie repose sur l’existence de principes applicables par une personne comme par l’humanité entière (il faut qu’il permettent un "développement durable"), et que leur application rende l’individu plus heureux. Je montrerais plus tard quel pourraient être de tels principes.
Dernière remarque : on pourrait qualifier cette stratégie d’anarchiste, libertaire, etc, ce qui est connoté négativement en général. Peu importe, moi j’ai pas de principes généraux, et j’ai l’impression que c’est une stratégie aux arguments imparables, qui a en outre l’avantage que personne ne peut empêcher sa mise en pratique.
IV) La mise en pratiqueEn fait, là je m’appuie essentiellement sur les idées de Illich et Dupuy, que je développe un peu ailleurs sur ce site. Bien sûr ces gens-là proposent une réorganisation de la société dans son ensemble et des mentalité, mais contrairement aux communistes ils tracent une voie douce pour cette transition, que chacun peut faire à son rythme.
Une fois repéré le mécanisme de la contre-productivité, on peut aisément éviter soi-même d’entretenir ce mécanisme, en refusant les effets les plus perverts, et on s’en sortira mieux que ceux qui ne le font pas. A partir de là, on peut aller plus loin et réduire encore la contre-productivité, et c’est gagné. Je vais donner des exemples plus loin.
Mais avant ça, une petite précision : si vous appartenez à la tranche la plus défavorisée de la population, ou la plus âgée, il est probable qu’il sera très difficile pour vous de tout changer dans votre vie, car vous avez peu de marge de manoeuvre. Cependant, si la moitié de la population la plus aisée opère déjà ce changement, déjà elle donnera l’exemple, et ça améliorera aussi la condition des autres, qui pourront alors suivre. Exemple : si ceux qui peuvent se permettre une grande voiture n’en achètent pas, peut-être que ceux qui ne peuvent pas seraient moins frustrés, et n’essaieraient pas comme ils font aujourd’hui d’avoir plus d’argent (et donc de souffrir pour le gagner) afin d’égaler les riches.
Voilà, reste à donner certains exemples :
Rompre la dépendance à l’argent : ce qui empêche aujourd’hui les gens de changer leur vie, d’abandonner un boulot pénible, d’aller vivre ailleurs, etc, c’est la dépendance à l’argent que le système entretien. La plupart des gens, qu’ils gagnent peu ou beaucoup, ont besoin de leur salaire, tout leur salaire, parce qu’ils ont des emprunts à rembourser, parce qu’ils sont habitués à un certain niveau de consommation, pour eux et leur famille.
Peu importe que certains vivent avec beaucoup moins, eux ne peuvent pas se permettre de rester quelques mois sans les revenus de leur travail. A partir de là, comme il savent qu’ils vont travailler tout le temps, dès qu’ils ont de l’argent, autant le dépenser, et ça entretient le cycle.
Au contraire, imaginez que vous vous rendez-compte que vous pouvez bien vivre avec 80% de votre salaire (c’est dur pour les plus défavorisés, mais je pense ici à ceux qui ne le sont pas), parce qu’il y a des trucs dont vous n’avez pas besoin (le constat triste, c’est que justement les plus pauvres s’endettent le plus souvent pour acheter des choses inutiles). A partir de là, ça veut dire que vous pouvez travailler moins, ou alors que tous les 5 ans vous avez de côté de quoi vivre un an sans travailler. Imaginez que vous estimer le temps nécessaire pour retrouver un emploi à 6 mois (je n’ai aucune idée de la plausibilité de ce chiffre), ça veut dire que vous pouvez prendre 6 moisde vacances, voyager, écrire un bouquin, aller voir tous vos amis, et ensuite chercher un boulot qui vous plait éventuellement plus. Si vous ne rêvez pas de vacances, vous pourrez au moins chercher un boulot gratifiant, même s’il rémunère moins.
Voilà, c’est un système simple, mais avec ça on se débarasse de la pire dépendance. Et ceci est possible même si dans votre pays il y a peu d’aide sociale, d’aide au chômage, etc.
La dépendance à la voiture : Un exemple flagrant de contre-productivité est celui de la voiture. On travaille pour entretenir un moyen de transport qui sert essentiellement à nous conduire au travail. Je parle mieux de ça ailleurs dans ce site. Si vous prenez conscience de ça, vous pourrez peut-être chercher un logement près de votre travail, vous débrouiller avec du co-voiturage, faire du vélo, ça vous fera faire des économies monstrueuses et c’est bon pour la planète…
La dépendance à la consommation : La consommation de masse n’est pas compatible avec le développement durable, c’est clair. Une fois cependant que l’on acquiert le réflexe de savoir à quoi ça sert, la consommation cesse d’être nécessaire à votre bonheur, et encore une fois vous faites des économies, vous pouvez travailler moins et vous consacrer aux autres, activité bien mieux génératrice de bonheur.
Apprendre à faire soi-même : apprendre à faire soi-même plein de petites choses et travaux pour lesquels on fait souvent appel aux services de professionnels (plats tout préparés, déco d’intérieur, bricolage) est encore une manière de trouver agréable des activités qui sont pénibles à ceux qui les font à longueur de journée, vous pourrez partager ces activités avec cos amis, ça fait faire des économies et vous avez donc plus de temps à consacrer à ça plutôt qu’à un autre travail.
Voilà. C’est un peu rapide tout ça, mais je reparlerai mieux de ces idées ailleurs sur ce site. Je voulais juste ici donner une idée de l’état d’esprit général qui d’après moi devrait mieux faire marcher les choses. J’essaie de l’appliquer à moi-même, à vous de juger.
ConclusionJ’ai essayé ici de montrer qu’il y a une manière de faire quelque chose soi-même pour améliorer le monde, et qu’ainsi faisant on peut aussi améliorer sa propre vie, il n’y a donc pas de conflits d’intérêts, mon bonheur contre celui des autres. De plus, il est important de souligner que ces idées ne sont pas extrêmes, ne demandent pas de se retirer du monde pour fuir la société de consommation. Vous pouvez rester là, en faisant le minimum nécessaire (un petit travail), tout en montrant que faire ce minimum n’implique pas devenir esclave. Si d’autres suivent, on pourra alors aller plus loin. Mais l’important, c’est de voir qu’à chaque étape on améliore un petit peu les choses, même si on devait s’arrêter là.
Source : http://www.alamemeetoile.net/Comment-sauver-le-monde.html
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