Elle avait gagné le cœur des Français par son franc-parler et ses révoltes en faveur des plus pauvres, des chiffonniers du Caire aux SDF français. Sœur Emmanuelle, l’une des personnalités préférées des Français, s’est éteinte aujourd’hui à 99 ans.
"La mort pour celle qui a su aimer est comme des retrouvailles de la fiancée et du fiancé, de l’enfant et de son père." Religieuse atypique, sœur Emmanuelle attendait ce jour sans crainte et avec joie. Connue pour son sourire, son énergie débordante, sa voix inimitable qui bouleversèrent les consciences," la sainte du Caire", qui appela chacun à se mobiliser pour les démunis, s’est éteinte, lundi 20 octobre 2008, dans le sud de la France, après pratiquement un siècle d’existence.
Prénommée Madeleine à sa naissance, à Bruxelles en 1908, la petite fille, issue de la bonne société belge, n’a pas encore 6 ans quand son père se noie sous ses yeux. Adolescente, l’héritière d’une usine de dentelle de Calais ne résiste pas au tourbillon des Années folles, s’amuse, danse, sort beaucoup, de Bruxelles à Paris. Mais à 22 ans, portée par une soif d’absolu, Madeleine Cinquin prononce ses vœux de religieuse dans la congrégation Notre-Dame-de-Sion et devient sœur Emmanuelle."Un beau nom !", disait-elle. "En hébreu, il veut dire : Dieu avec nous."
Pendant quarante ans, et conformément à la tradition des éducatrices de sa congrégation, elle exercera une activité d’enseignante. En Turquie, vingt-huit ans ; en Tunisie, cinq ans ; en Egypte, huit ans. Elle voulait s’occuper des enfants, on lui en confie, mais elle voulait aussi vivre parmi les pauvres, servir d’abord les plus démunis. Un rêve qu’elle réalisera à 62 ans, à l’heure de la retraite.
On lui parle de chiffonniers vivant à la périphérie du Caire, et elle a le coup de foudre. Pendant des années, elle vivra avec ces familles, sans eaux ni électricité. Pour les sortir de leur misère, elle se bat contre la drogue, l’alcool et aussi le mépris dans lequel ces hommes, ces femmes et ces enfants vivent, en se nourrissant de ce que rejette la société. Pour les milliers d’enfants du Caire, elle crée des écoles, des dispensaires, une usine de compost et n’hésite pas à écrire personnellement au pape, afin de lui expliquer toute l’importance de distribuer, en Egypte, pilules et stérilets.
En 1980, la petite sœur des chiffonniers crée son association "laïque et apolitique", Asmae, et s’envole vers l’Europe pour collecter des fonds. Plusieurs fois, elle racontera cet épisode devenu célèbre : "Un jour, à Genève, j’ai dit devant une assemblée très convenable : ’Si je ne trouve pas 30 000 dollars, il ne me restera plus qu’à faire un hold-up’. Alors là, j’ai eu du succès et j’ai eu les 30 000 dollars." Grâce aux dons collectés, elle parvient à faire sortir du sol des logements en dur, des salles de classe, des dispensaires... en Egypte mais aussi au Soudan, au Sénégal, en Haïti, au Burkina-Faso ou au Brésil.
C’est alors que la retraite la rattrape. Sœur Emmanuelle espérait s’éteindre en Egypte mais ces supérieurs en décident autrement. Elle résiste, grappille quelques années et finit, à 85 ans, par rejoindre sa communauté en France.
Promue au grade de commandeur de la Légion d’honneur en 2002, devenue l’une des personnalités préférées des Français, de sa retraite, la religieuse continuait à donner de la voix pour venir en aide aux pays pauvres, défendre les SDF et les jeunes générations, à qui elle se refusait de "faire la morale".
http://www.france5.fr/c-dans-l-air/index-fr.php?page=resume&id_rubrique=997
Dim 9 Aoû - 0:55
