Comment fonctionnent les épidémies de peur ? C’est le sujet d’étude de Yuti M. Lotman. Le chercheur russe s’est penché sur le processus de chasse aux sorcières qui s’est déroulé quelques siècles auparavant, et qui a vu la condamnation à mort de milliers de victimes, parmi les populations Catholiques et Protestantes.
« Lotman a pris un événement historique pour examiner la manière de fonctionner de la passion humaine » explique le directeur du Cultural Semiotic Studies Group, Jorge Lozano. Ce dernier savait que le texte était stocké dans les fichiers du fils de Lotman à la Conférence de Venise en mai dernier. C’est à ce moment là que le fils de Lotman a décidé de diffuser cet article. Depuis Lotman est devenu très populaire, notamment en Russie où il anime une émission de télévision.
Finalement le texte vient d’être publié dans le denier numéro de ‘Revista de Occidente magazine’, spécialiste de la sémiotique en Espagne. La sémiotique étudie le processus de signification c'est-à-dire la production, la codification et la communication de signes. La sémiotique, ou sémiologie, concerne tous les types de signes ou de symboles, et non seulement les mots, contrairement à la sémantique. Même un geste ou un son sont considérés comme des signes. Même des concepts, des idées ou des pensées peuvent être des symboles. Cet outil est donc particulièrement adapté à l’étude des croyances.
Cet article met en lumière le lien qui lie la persécution des sorcières avec la progression de la culture et de la science. « Paradoxalement [la persécution des sorcières] coïncide avec les progrès des domaines des sciences et de la culture ».
L’auteur ajoute « Face aux idées de la Renaissance qui progressent, suivent également la peur et ces procédés [de persécution] ». Pourtant la sorcellerie au départ n’est qu’une croyance parmi d’autres d’après l’auteur, et face aux progrès de la science, la religion de l’état de l’époque, mise à mal, se serait protégée en agissant là ou elle le pouvait.
Avec l’avènement de l’ère de la rationalité, « les horreurs des siècles passés ont disparus en seulement 3 ou 4 décennies, à tel point qu’il devint difficile de croire qu’elles aient pu exister ». Dès lors, « le mythe de la peur et du fanatisme semblent quasiment venir de la préhistoire ». Cependant, même au Moyen Age, les procès en Sorcellerie étaient un phénomène isolé conclu Lotman, après un examen exhaustif des archives disponibles.
Jorge Lozano souligne « ce n’est pas la menace qui créé la peur, mais plutôt la peur qui créé la menace ». Cette menace, la Sorcellerie, est « une construction sociale, une création de codes, que la société en question utilise au même titre que n’importe quel code ».
Pour montrer que la chasse aux sorcières correspond bien à un moment unique dans l’histoire, le « nuage de peur », comme le nomme le chercheur, banalise les actes de violence à une époque donnée, alors qu’ils auraient été jugés complètement fous hors de ce contexte.
Les succès des imprimés de l’époque, ont permis de répandre rapidement ces idées contre le démon. La démonologie s’est retrouvée isolée, combattue, depuis l’Est jusqu’aux Amériques. Les victimes elles-mêmes ne connaissaient pas les causes de cette violence soudaine.