Document: article paru en 1967 dans la revue Science-Club :LE MOTEUR A GAZDans le début de l'année 1957, un violent raz de marée ravageait les côtes de Hollande.
A l'occasion de cette catastrophe, on vit apparaître des chaloupes de sauvetage qui, inlassablement, assuraient la navette entre les lieux sinistrés et la terre ferme, et qui étaient dotées de curieux petits moteurs, ne tenant pas plus de place qu'une boîte à chaussures, alimentés non pas à l'essence, mais par les combustibles les plus divers.
Pour sauver des vies en danger, la firme Philips n'avait pas hésité à mettre en service des moteurs expérimentaux, étudiés dans le plus grand secret, et qui, une fois l'action terminée, regagnèrent leur cachette. Le secret, depuis, a été levé, et l'on sait qu'il s'agissait de petites machines développant une quinzaine de chevaux et capables de convertir en travail de l'énergie thermique.
De nouveaux prototypes ont vu le jour. Le plus récent d'entre eux, fabriqué dans les usines de Eindhoven, et fonctionnant également au gaz chaud, est un monocylindre donnant une puissance de 40 chevaux et présentant un rendement supérieur à celui des meilleurs moteurs à explosion.
Parmi les nombreux avantages : la possibilité d'utiliser les combustibles les plus divers, solides, liquides ou gazeux (de l'huile de chauffage, par exemple), un fonctionnement silencieux, pratiquement sans vibrations, une usure à peu près nulle, puisque le moteur fonctionne en circuit fermé et qu'aucune substance corrosive ne vient l'attaquer. Le principe d'un tel moteur est connu depuis longtemps. Son cycle s'apparente à celui de tout moteur à combustion interne : on dispose d'une énergie convertible en travail par la détente d'un certain volume gazeux comprimé à basse température, puis dilaté par une rapide combustion.
Conformément au principe de Carnot, le rendement d'un moteur thermique, quel qu'il soit, est d'autant plus élevé que se trouve importante la différence de température au moment de la détente et à la fin de la détente.
La différence est que, dans le moteur à gaz chaud, la chaleur est apportée de l'extérieur au gaz contenu dans le cylindre, donc à travers la paroi.
Une machine fonctionnant sur ce principe avait déjà été réalisée, il y a cent cinquante ans, par le révérend Robert Stirling. Le cycle thermique y était réalisé par l'intermédiaired'un piston de balayage qui déplaçait successivement le fluide d'une enceinte à haute température, maintenue constante, à une autre enceinte, dont la température était conservée aussi basse que possible.
Mais le rendement en était médiocre. L'un des monstres les plus remarquables dans ce domaine fut la machine qui actionnait, vers 1852, les roues à aubes de 10 m de diamètre du navire américain "Caloric". Chacun de ses 4 cylindres atteignait près de 5 m de diamètre. Le régime était de 9 tours/minute et la consommation de… 300 kg de charbon à l'heure !
Sur les moteurs actuels, étudiés en Hollande, la source chaude atteint 700 °C et la température de refroidissement s'abaisse à 15 °C.
L'obtention d'un excellent rendement est dûe à la récupération des calories perdues lors du passage du gaz de l'enceinte chaude à l'enceinte froide. L'emploi d'un régénérateur ayant demandé des années de mise au point et capable de se charger et de se décharger successivement des calories transportées a permis de porter le rendement global de 40 %, alors qu'il n'était que de 1 à 2 % sur la machine du "Caloric".
Quant à l'emploi de ces machines qui utilisent indifféremment le bois, le gaz, l'huile, le charbon comme source d'énergie calorifique, il paraît devoir particulièrement s'imposer pour l'équipement de petites centrales électriques dans les régions déshéritées.
Article paru dans la revue " Science-Club " n°36, Les moteurs, février 1967