Une boucherie dans une boucherieAu cœur du centre-ville, la Mairie de Montbard est en effet propriétaire d’une friche immobilière sans caractère. Situé rue Edme Piot, ce « pied de nez » dans la ville comporte en son rez de chaussée
une ancienne boucherie. Cet espace désaffecté depuis près d’une décennie ne pouvait, avant de mourir, qu’accueillir un évènement hors du commun.
C’est chose faite depuis ce 11 juin 2010, à 12 heures exactement.
Une « Installation d’Art contemporain »Ce thème de la « Boucherie Humaine », apparu pendant la première guerre mondiale, est aujourd’hui décliné à travers une exposition temporaire destinée à bousculer notre regard face aux nouvelles tueries et aux guerres d’aujourd’hui. Cette œuvre contemporaine, un découpage « boucher » de corps humains reconstitués, est signée de l’artiste et concepteur Fabien Ansault.
Architecte d’intérieur, graphiste et designer, diplômé en Arts appliqués de l’Ecole Duperré de Paris, Fabien Ansault œuvre dans son atelier de Chamesson, au bord de la Seine, en Côte d’Or. Sculpteur, il
n’hésite pas à mélanger matière et matériaux, afin de donner à ses créations un caractère curieux, fantastique, quitte à choquer.
« Dénoncer sans complaisance par la provocation visuelle »« Les guerres sont un phénomène barbare, profondément immoral, réactionnaire et contraire aux intérêts du peuple » : la citation de Rosa Luxembourg (1871 – 1919), reprise pour la circonstance, donne le ton de cette exposition qui tente, au risque de heurter le passant de la rue Edme Piot, « de dénoncer sans complaisance par la provocation visuelle ce que l’homme a de plus bas dans son instinct de prédateur accompli ».
A Montbard, c’est à la fois du nouveau, et du plein format. En apportant une « vision décalée et irrévérencieuse dans notre quotidien que l’horreur est toujours prête à se reproduire, pour ne pas répéter à nouveau les « plus jamais ça ! » de l’Histoire », cette installation « militante » cherche à « faire réfléchir » le citoyen confronté à des images de guerres sans nom, de crimes organisés et d’assassinats civils, « à l’heure où la télévision sature les temps de cerveau disponibles avec les nouvelles des conflits présents en permanence sur la planète… ».
Premières réactionsSi la Mairie de Montbard (également partenaire de l’évènement) n’était pas joignable lors de nos sollicitations, en revanche les réactions du grand public ne se sont pas faites attendre. Sur ce point,
l’objectif annoncé, « interpeller l’œil, susciter la curiosité, les regards et les questionnements », a pleinement été atteint. Il est vrai que chacune et chacun, vu l’impressionnant réalisme de l’oeuvre, a pu reconnaître une partie de sa propre anatomie. Un sentiment saisissant, autre réussite de cette installation plastique contemporaine par Fabien Ansault.
« Maman, pourquoi ils montrent ça ? »Néanmoins, les premières impressions recueillies sont plutôt éloignées du témoignage du concepteur de l’exposition. Faute de communication et d’explications affichées (ces dernières sont seulement
apparues le lendemain, 12 juin), les témoins, de tous âges, ont d’abord qualifié l’évènement de « provocant », de « choquant », voire de « scandaleux » et même d’ « écoeurant » : un véritable choc culturel, pour les plus jeunes enfants comme pour ce couple de touristes britanniques de passage en Bourgogne, qui n’a pas manqué de qualifier l’oeuvre de « shocking »…
"Ne pas répéter à nouveau les "plus jamais ça !" de l’Histoire" : une mission illustrée par cette citation de Rosa Luxembourg en 1914
Laurence Porte : « De l’Art ou du Cochon » ?Réaction politique enfin… mais de la part de l’opposition : Laurence Porte, Conseillère municipale, précise « n’avoir absolument pas eu connaissance de ce projet ni de son inauguration dans le cadre de ses fonctions au Conseil municipal », et dénonce un « choix non débattu » de la municipalité de Montbard. C’est donc en « citoyenne lambda » qu’elle a découvert l’œuvre de Fabien Ansault, dont elle salue la qualité artistique et technique.
Revenant sur le message humaniste porté par l’exposition et sur sa référence à la boucherie de la guerre 14-18, Laurence Porte éprouve à la fois une « fascination » pour l’oeuvre, et un certain « malaise », d’un point de vue scientifique, devant l’existence, bien réelle, « d’expériences humaines pratiquées dans des laboratoires d’horreur comme celui du tristement célèbre nazi, le docteur Josef Mengele ». La Conseillère municipale fait également référence « aux empilements de crânes des cambodgiens assassinés par les Khmers rouges ou plus récemment au génocide à la machette au Rwanda ».
Si elle admet que cette Boucherie Humaine « peut se concevoir tel un cabinet de curiosités comme l’aurait apprécié Buffon », Laurence Porte s’interroge néanmoins sur l’utilité de cette vitrine, notamment en termes de communication : « Si la municipalité veut y exposer un projet politique clairement défini, alors la logique veut qu’elle ne cautionne pas toute fabrication de pièces d’armement dans les usines de Montbard ; mais c’est nettement plus difficile que d’avancer avec le bouclier de
l’artiste engagé ! ».
Exposition « La Boucherie Humaine », par Fabien Ansault, du vendredi 11 juin au vendredi 31 décembre, à l’ancienne boucherie rue Edme Piot à Montbard (Côte d’Or).