(je trouve cela beau ! j'y passerai des heures !)
L’encromancie, comme la cristallomancie, peut se ranger dans les voyances dites «projectives», celles où le praticien fait les trois quarts du boulot, le degré au-dessus étant la voyance pure, le saut sans élastique.
Cette classification vaut ce qu’elle vaut (cf l’article Mancies & Cie), d'autant qu'il est tout à fait possible de pratiquer la voyance projective sur n’importe quel support, cependant certaines mancies favorisent particulièrement cette approche.
Voilà qui rend d'autant plus problématiques les tableaux proposant des verdicts préécrits généralement situés en fin de manuels sous forme de longues listes "si vous voyez ça, ça veut dire que..." .
Si vous avez déjà lu des articles sur ce site ou mon livre, vous savez déjà tout le bien que je pense de ces verdicts préécrits. Originellement, ceux-là sont le fait de voyants, et c’est le cas de Luce Vidi, qui ont remarqué que lorsqu’ils voyaient un goéland sur une patte occupé à manger des fraises des bois, leurs consultants avaient tendance à se marier dans les mois suivants.
Certains ont donc couché par écrit leur propre code de façon à livrer quelques repères dans un art qui en comporte peu.
Si la démarche est bienveillante, le problème est que le code élaboré par tel voyant fonctionne très bien… pour lui. Ce qui n'empêche pas les manuels d'élever en loi universelle les «si vous voyez un fromage qui danse, ça veut dire que…».
Dans les cas où la voyance n’est pas uniquement projective car le support admet une part de convention (runes, oracles, géomantie, etc.), la présence de ces «codes» peut constituer une base interprétative utile à condition de se refuser à figer le système - tout est question de dosage. Mais ces mêmes codes ont tendance à être plutôt un handicap lorsque l’on utilise des supports qui appellent une démarche projective.
Dans ce cas, partir du principe que "le fromage qui danse veut dire que vous allez déménager", va faire écran entre vous et ce que les taches veulent réellement vous dire, jusqu’à fausser complètement les prédictions.
Ecoutons à nouveau Jean-Luc Lanez:
«La lecture de la tache: Je n'ouvre le papier qu'une fois l'encre sèche. La partie inférieure constitue le passé, la partie centrale le présent et le haut l'avenir (d'où l'importance de conserver le sens grâce à la question notée au verso de la feuille).
J'apporte de l'attention à la forme générale de la tache -empathie positive ou non. La forme et la couleur s'il y en a, participent au ressenti. L'éclatement, le dynamisme, les oppositions, tout cela parle.
Comme avec le tarot, vous pouvez avoir vos conventions sur les couleurs et les formes. Pour les détails, vous verrez apparaître des personnages, des animaux - oiseaux, papillons, crabes. Là aussi, vous pouvez interpréter avec des conventions, voire vous reporter au dictionnaire des symboles - mais surtout fonctionner au ressenti.»(3)
Ce en quoi ce monsieur a absolument raison; cette optique, «fonctionner au ressenti», est certainement la plus adéquate pour aborder la divination. Je vais donc reprendre partiellement la méthode développée dans mon ouvrage Devenez Voyant, de façon à vous proposer une façon d’aborder l’encromancie moins réductrice que les traditionnels tableaux de décodage du sens.
Une fois l’encre projetée, la feuille pliée, séchée, dépliée... respirez à fond et regardez le dessin. Quelle est votre première impression?
Pouvez-vous y associer un ou des mots?
Attention, il ne s’agit pas de jouer aux devinettes, l'image ne renferme pas une vérité cachée qu’il s’agirait de décrypter.
Au contraire, laissez-vous porter par vos ressentis, comme vous le feriez en face d’un tableau ou en écoutant une musique, sans préjugé ni attente particulière.
N’espérez pas non plus un message venant des étoiles ou du plafond, contentez-vous de regarder en laissant monter vos impressions.
Elles seront souvent immédiates: tristesse, joie, plaisir, malaise, etc.
Si possible, efforcez-vous de mettre un ou des mots dessus, mais à ce stade, ne cherchez pas encore de cohérence ou de réponse à la question de voyance (il vaut d’ailleurs mieux la mettre temporairement entre parenthèses car vous risqueriez de fausser les choses en tirant dessus pour leur faire dire ce que vous désirez).
Prenez tout le temps nécessaire.
A présent, toujours en vous laissant porter par vos ressentis, vous allez porter votre regard vers un ou plusieurs détails du dessin, ceux qui attirent spontanément votre attention.
Que vous montrent-ils?
Ces fragments peuvent être une couleur si vous mélangez les encres, une tache qui ressemble à ceci ou cela, une ligne abstraite…
Les dessins formés peuvent ressembler, à des visages, des animaux, une partie du corps, des objets, des paysages, etc. mais ce n’est pas une raison pour courir regarder dans le manuel «ce que ça veut dire».
Ces détails, couleurs, formes, devraient plutôt rapidement provoquer des associations, se transformer en idées ou en d’autres images.
Essayez de procéder toujours par impressions et ne forcez pas. Ne vous concentrez pas non plus, ce n’est ni nécessaire ni souhaitable.
L’interprétation dépendra toujours de votre vécu et de votre sensibilité personnelle.
Ressentis, impressions, puis idées et insights, voilà le fil qu’il faut attraper. Plusieurs niveaux de traductions sont en jeu: on voit des images, on ressent certaines choses qu’on traduit en bribes d’idées, etc.
Mais tout cela vient assez naturellement.
Faites-vous confiance. Même si vos impressions sont fantaisistes ou surprenantes, ne les repoussez pas.
Par contre, si cela vous tente, vous avez le droit de gribouiller sur les taches, isoler un détail d’un tour de stylo, retourner la feuille, sauter sur un pied, etc.
Tout ce que vous voulez à partir du moment où votre attitude est dictée par votre intuition propre et non par des instructions extérieures.
Si les idées vous font défaut ou vous paraissent trop artificielles, revenez automatiquement au dessin dans son ensemble: quelle impression vous procure cette couleur, cette forme?
Et si malgré tout, le dessin reste fermé, il se peut que ce ne soit pas le bon moment, ou que le blocage vienne du consultant ou de la question. Il peut être alors souhaitable de reformuler celle-ci, ou de recommencer plus tard, ou carrément de laisser tomber. Le trou noir arrive aux meilleurs d’entre nous.
Comme vous le voyez, les choses ont l'air simple, cependant vous risquez de vous heurter à trois types d’obstacles. Considérés de près, ils sont aussi ridiculement petits que difficiles à surmonter:
la paresse: si cette méthode ne demande aucune concentration au sens strict, elle requiert un effort d’attention. Il est toujours facile de prétendre que l’on n’y arrive pas.
L’impression de ne pas comprendre ce que l’on attend de vous, généralement liée à cette bonne vieille idée du «mais j’suis pas voyant, moi !». De là, découlent également de fausses attentes, notamment celle d’être submergé de visions ou de croire qu’on va se mettre à léviter au-dessus du bureau. Or, vous ne ressentirez ni ne vivrez rien de spectaculaire.
Autre chausse-trappe: inventer à défaut de voir. C’est un indice de paresse ou la conséquence de la hâte. A vouloir voir à tout prix quelque chose, on essaie de remplir les vides en élucubrant.
Parfois, l’émotion est très précise mais difficile à traduire en mots. Ou encore ce que vous ressentez sera contradictoire ou ambigu. Il faut arriver à l’accepter. De même que les erreurs. Vous en ferez et c'est normal. Les situations humaines ne sont jamais simples et aucun voyant sur terre n’est infaillible.
http://www.lysiannedetey.fr/eso_encrom01a.html