Article de Valérie François et Géraldine Bérard – Lacroix.fr – juillet 2009
Vêtue d’une longue robe blanche et coiffée d’un bonnet de satin agrémenté de mille petites perles, Véra nous emmène à la fête traditionnelle iakoute la plus importante : Yssyakh. Cet ancien Nouvel An est, pour ce peuple animiste, une véritable ode au soleil. « La tradition d’Yssyakh était réduite à son minimum sous l’Union soviétique. Depuis quinze ans, nous la faisons revivre. À l’origine, elle avait lieu le 21 juin, jour du solstice d’été. Elle est désormais programmée entre le 15 et le 30 juin », nous explique-t-elle.
Il est midi. La cérémonie peut commencer. Un homme vêtu de fourrure blanche allume un feu. « Esprit du feu, donne-nous ta force et ton énergie », invoque-t-il en nourrissant le foyer de blinis […]. « Ce fin connaisseur des traditions s’appelle un algyschit et sa tenue symbolise le cheval, l’animal sacré de Iakoutie », chuchote Véra.
L’heure n’est plus au bavardage mais au partage. Une immense nappe est étalée sur l’herbe. En quelques instants, des mains anonymes ont rempli nos assiettes de brochettes de cheval, de soupe d’estomac, de boudin de poulain.
« Autrefois, Yssyakh était l’occasion pour les familles nomades d’organiser les mariages. Les jeunes filles devaient montrer leur talent de femmes d’intérieur. Les hommes se défiaient dans des joutes sportives, prouvant leur force et leur ruse », nous dit une vieille femme. « C’est pourquoi jusqu’à ce soir, vous assisterez à de nombreux concours. La lutte et la course à cheval sont les plus attendus », renchérit Véra. Il est 4 heures du matin. Réunis par milliers autour de l’algyschit, nous avons rendez-vous avec le soleil. Le ciel rougeoie enfin.
Le silence est impressionnant. Les yeux fermés, les mains tendues, chacun s’abreuve des premiers rayons, s’imprégnant de la douce chaleur qui monte peu à peu. Véra nous prend par la main et nous entraîne dans la ronde qui vient de se former. Nous tournons un quart d’heure au rythme des litanies d’un meneur qui alterne mouvements lents et rapides. « Nous nous transmettons ainsi les uns aux autres les bonnes énergies du soleil. Autrefois, cette danse durait toute la nuit, au point de devenir une véritable transe collective. Nous sommes des enfants du communisme. Il nous faudra encore du temps pour nous réapproprier ces traditions. »